Publié le 16 juin 2025

"La solidarité a été impressionnante"

Inondations, glissements de terrain, villages coupés du monde: les intempéries qui ont frappé la vallée de la Maggia fin juin 2024 ont coûté la vie à sept personnes et confronté les forces d’intervention à d’énormes défis. Eleonora Pedrini-Pedroli et Mattia Soldati, de l’état-major de crise du canton du Tessin, témoignent.

Fin juin 2024, des intempéries ont provoqué des inondations et des glissements de terrain dans la vallée de la Maggia. Des vallées entières se sont retrouvées isolées, et sept personnes ont perdu la vie. Vous êtes tous deux membres de l’état-major de crise du canton du Tessin. Quelles ont été vos actions?

Eleonora Pedrini-Pedroli: Contrairement à ce qui s’est passé lors du Covid par exemple, où un organe cantonal de conduite a été mise en place, c’est un état-major de crise régionale qui est responsable lors d’un tel événement. Il est dirigé par la police tessinoise, les communes, la protection civile et les différentes organisations de secours en font également partie. Fin juin, lors des intempéries, la situation était complexe et il nous manquait une vue d’ensemble, précise, de la situation. Cela était d’autant plus difficile que de nombreuses personnes au sein des équipes d’interventions avaient de la famille et des proches dans les régions touchées.

Mattia Soldati: Pour ma part, je n’ai repris le travail qu’au lendemain des intempéries. À ce moment-là, l’état-major de crise avait déjà un meilleur aperçu des événements et avait pris des mesures spécifiques. Nous avions donc des instructions concrètes. L’une de nos premières missions a été de réparer les dégâts sur les routes cantonales et de fournir les données numériques à l’état-major de crise.

Le dimanche, l’état-major de crise a adressé une demande de Rapid Mapping à la Confédération. Ce service de cartographie rapide consiste en l’acquisition, dans de très brefs délais, d’images aériennes afin d’obtenir une visualisation globale de la situation. Pourquoi cette décision?

Eleonora Pedrini-Pedroli: La semaine précédant les intempéries dans la vallée de la Maggia, des pluies avaient provoqué des laves torrentielles et des inondations dans le Misox aux Grisons, faisant là aussi des victimes. Les autorités locales avaient alors fait appel au service de Rapid Mapping de la Confédération. Un collègue du bureau de géomatique m’a expliqué que ce service leur avait permis d’obtenir rapidement une vue d’ensemble et de mieux organiser la gestion de la catastrophe. Donc je savais qu’en cas d’urgence, il était possible de s’adresser à l’Office fédéral de l’environnement. Nous avons appelé le dimanche matin, et dès midi déjà, swisstopo survolait la zone avec un hélicoptère et collectait les premières prises de vues aériennes. Le soir, les images étaient disponibles.

Que montraient ces images?

Eleonora Pedrini-Pedroli: Nous avons pu nous rendre compte de l’ampleur des dégâts. Nous avons pu évaluer l’étendue des zones inondées et les endroits précis où s’étaient produits des glissements de terrain. Les images nous ont permis de déterminer à quel endroit les maisons avaient été détruites et les voitures inondées, et les endroits où des personnes pouvaient encore se trouver.

Mattia Soldati: Il était également possible de repérer les endroits où des matériaux étaient immobilisés dans la rivière et pouvaient provoquer d’autres inondations. Par la suite, swisstopo a mis à disposition d’autres données, notamment des photos aériennes à haute résolution, utiles pour la gestion et la documentation. Elles ont permis de comparer plus facilement les situations avant et après l’événement.

Avez-vous des suggestions pour améliorer l’efficacité de ce service?

Mattia Soldati: Si swisstopo nous avait également fourni un modèle altimétrique numérique, c’est-à-dire en 3D, cela nous aurait été utile. À long terme, cela serait un précieux soutient pour l’actualisation de la carte des dangers des régions concernées, par exemple.

Eleonora Pedrini-Pedroli: Je crois que peu de gens connaissent ce service et savent que chaque commune ou canton en Suisse peut faire appel au service de Rapid Mapping lors de catastrophes naturelles. Cette prestation est précieuse, il serait souhaitable de mieux la faire connaître. À ce titre, il me semble aussi important de préciser que les communes et les cantons qui y font appel n’ont pas de frais spécifiques à assumer.

Personnes interviewées

Eleonora Pedrini-Pedroli travaille depuis 16 ans au sein de la protection civile tessinoise, où elle est responsable de l’évaluation de la situation et du triage. Titulaire d’un master en sociologie et en criminologie de l’Université de Lausanne, elle a récemment obtenu un master en sciences appliquées de l’information et des données à la Haute École de Lucerne. Eleonora Pedrini-Pedroli vit près de Locarno.

Mattia Soldati est ingénieur forestier au service des forêts du canton du Tessin et coordinateur du service cantonal des avalanches. Il s’occupe entre autres de la surveillance des glaciers au Tessin. En outre, il est responsable des mesures ainsi que des systèmes d’alerte précoce du service de lutte contre le gel. Il a obtenu un diplôme d’ingénieur forestier de la Haute École spécialisée bernoise de Zollikofen et habite dans la vallée de Verzasca.

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